Razzia sur la schnouf

Publié le par B.R.


Voilà qui risque de faire pas mal de bruit dans les jours qui viennent, tant en France qu'en Belgique. Richard Gasquet et Tom Boonen viennent en effet tous les deux de se faire attraper après s'être repoudré le nez. Positifs à la cocaïne, le tennisman et le cycliste sont en pleine tourmente. S'ils ne sont ni les premiers, ni même les plus célèbres sportifs dans ce cas, Gasquet et Boonen risquent quand même de vivre une descente pour le moins délicate. Le premier, qui nie jusqu'ici tout en bloc, vient en effet d'écorner de façon désastreuse son image de petit prince du tennis, tandis que le second, déjà inquiété pour une affaire similaire voilà quelques années, pourrait tout simplement se voir retirer pour de bon sa licence sportive.

En attendant de connaître les décisions des différentes instances antidopage (généralement entre trois mois et deux ans de suspension), la question est de savoir quel usage les sportifs font-ils de la cocaïne ? Comme pour le cannabis, celle-ci est en effet très souvent considérée comme une "simple" parenthèse récréative. Car, avant d'être des sportifs, Gasquet et Boonen sont avant tout des jeunes de leur époque, avec les mêmes aspirations et les mêmes loisirs que leurs congénères, chez qui l'usage de la coke se démocratise... Haro donc sur les stéroïdes, l'EPO ou autres métabloquants, mais petite tolérance pour l'herbe ou pour la "CC"...

Sauf que la réalité est un peu plus complexe, comme l'explique le docteur Jean-Pierre de Mondenard sur son blog Stéthosport. Ce médecin, spécialiste du dopage, s'était en effet déjà penché sur la question à l'occasion de l'annonce du contrôle positif à la cocaïne de Martina Hingis, en novembre dernier : les joueurs de tennis se dopent-ils ou se droguent-ils ?

La question se pose d'autant plus que les responsables de ce sport ont longtemps expliqué qu'il était inutile de se doper pour gagner un match. Dans la thèse de pharmacie qu'il a soutenue en 1972, Christian Bimes, président de la Fédération française de tennis depuis 1993, expliquait : « Dans ce sport qui demande des qualités physiques impressionnantes mais aussi une précision, une concentration, une application et une science du jeu hors du commun, un dopage bénéfique ne semble pas réalisable. »

La cocaïne qui a d'abord pénétré les sports d'endurance a ensuite « contaminé » les sports de précision (comme le basket ou le baseball), car elle a un effet désinhibant reconnu et améliore la confiance en soi. Elle donne un sentiment de surpuissance, d'invulnérabilité. L'athlète se sent invincible et tente des gestes sportifs qu'il n'oserait pas faire en temps normal, évitant ainsi l'effet « petit bras », qui retient, par exemple, un tennisman de lâcher ses coups.

Donc, la cocaïne a un effet sur l'appréhension de la difficulté, sur la peur de mal faire, ce qui dans le cadre d'une compétition sportive est un avantage plus que certain. L'absorption de cocaïne en tant que dopant fait toujours partie en 2007 du soutien médicamenteux de l'athlète d'élite, ou même de calibre inférieur. Le docteur Jo Mulé, directeur des services antidopage de l'Etat de New York, explique : « Normal qu'ils se laissent tenter, la coke déclenche et stimule l'agressivité. Un athlète gui en prend avant un effort sent sur le moment ses forces décuplées. »

Cet effet hypervitalisant est parfaitement connu des sportifs de compétition. Ainsi, le témoignage de Dale Berra, vedette du baseball américain des années 1980, en apporte la preuve : « Chaque fois que j'en prenais, je me sentais euphorique, mes sens étaient aiguisés. Je me sentais invincible. C'était comme une clé de contact pour le match. »

Quand on connaît les difficultés mentales de Richard Gasquet à se mettre au niveau de son potentiel technique, le doute est permis et l'on voit que la réponse à son importance...

Même problème en ce qui concerne Tom Boonen, qui a lui immédiatement reconnu l'usage de stupéfiants, mais dans un cadre privé. Une ligne de défense qui occulte donc le problème d'une utilisation à des fins d'amélioration de ses performances sportives. Et donc de dopage à proprement parler. Pourtant, il y a déjà plus de cent ans que les effets de la cocaïne sont connus dans le peloton.

1899 : un an après un premier papier signé du journaliste Frédéric Régamey, affirmant que quelques bidons de cyclistes sont enrichis à la cocaïne, le docteur Max Novich déclare qu'il s'agit d'un dopage organisé et que des entraîneurs la conseillent fortement à leurs coureurs. Vingt-cinq ans plus tard, Albert Londres confirmait dans un reportage devenu célèbre sur les "forçats de la route" que la cocaïne était monnaie courante dans un peloton soumis à un rythme infernal.

Reste à savoir si les instances dirigeantes de la petite reine sont prêtes à sacrifier l'un de ses derniers rois. Pour la même infraction, elles avaient en effet disculpé Gigi Simoni, qui s'était défendu en 2001 en affirmant que la cocaïne provenait de petits gâteaux que sa tante lui avait ramené du Pérou.

Publié dans C'est la santé

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